PHILIPPE BOURDIN |
Capri pleure l'un de ses fils chéris décédé le 20 mars 2005 à 52 ans - Photo © Flavio Gallozzi
Les papyrus médicaux égyptiens découverts à Karoun et datant de 1500 avant J.-C. sont probablement les premiers écrits où l'on fait mention de l'influence de la musique sur le corps humain. Plus tard, Platon prescrit la musique pour soulager des phobies et de l'anxiété. Il s'arrête sur la décharge émotionnelle de rituels liés à la musique et à la danse/mouvement contrôlant certaines excitations maniaques dans les cultes orgiastiques comme celui de Dionysos. On relève même dans son Euthydème la forme d'un exorcisme chorégrapho-musical pratiqué par les corybantes, prêtres de Cybèle qui avaient développé un rituel spécial pour le traitement de la transe. Les Lois expose sa théorie sur la cure corybantique et sur le rôle central qu'y joue le mouvement et par conséquent la danse. Il semble assez logique que Platon soit aujourd'hui considéré comme un illustre précurseur de la musicothérapie. Et si les pythagoriciens furent également des théoriciens de l'efficacité thérapeutique de la musique, Aristoxène (l'auteur des plus anciens traités de musique de la Grèce antique) venait avec sa cithare ou son aulos soulager les personnes atteintes de sciatique ou de l'"excitation du vin". L'utilisation psychiatrique de la musique, d'abord préconisée par Théophraste, est finalement systématisée par Asclépiade; nous connaissons même quels modes recommandait le médecin grec pour les diverses formes de maladies mentales. 0n calmait ceux qui souffraient de désordres mentaux en leur jouant une musique de nature propre à élever l'âme.
Sur le modèle grec mais également biblique (David apaise la colère de Saül au seul son de sa harpe), le Moyen Âge reconnaît à la musique une vocation sanitaire. Certaines miniatures du XIIIe siècle attestent que l'on croit aux pouvoirs consolateurs, guérissants, et à l'effet antimélancolique des "agréables airs de luth".
Le son pénètre l'humain dans sa totalité. Lui attribuer une fonction curative n'est pas nouveau, ni utopique. Plus récemment, l'anthropologie et l'ethnomusicologie ont fourni matière à réflexion sur sa valeur thérapeutique dans les structures mythico-rituelles cathartiques, c'est à dire purificatrices. D'une certaine manière, l'hystériothérapie du tarentisme des Pouilles se rattache au corybantisme. Un phénomène apparu au Moyen Âge et qui s'est prolongé jusqu'à nos jours, plutôt comme survivance que pratique véritable. Sa cause déchaînante qui est aussi le moyen d'exorciser le mal, est la piqûre -souvent fantasmatique- de la Tarentule, l'esprit de la terre, celui qui habite l'âme paysanne des lieux. Le tarentulé (plus fréquemment une femme) se démène, couché sur le dos dans des contorsions imitant les mouvements de l'araignée. Parents et amis courent quérir les musiciens-thérapeutes qui cherchent le juste rythme, la juste tarentelle pouvant faire danser le malade. Ceci met fin à la crise et la fait s'épanouir en transe. L'expulsion du poison s'obtient dans l'identification avec l'Araignée persécutrice. Puis c'est la lutte, ô combien libératrice, contre l'animal et sa défaite dans laquelle se résout la possession... Le dix-huitième siècle puis les compositeurs classiques adapteront la tarantelle avant qu'elle ne perde définitivement son caractère et ne vire à l'artifice touristique à Sorrento ou encore Capri.
Autre tradition populaire parmi les plus anciennes de l'Italie méridionale: le carnaval de Montemarano dans la province d'Avellino en février. Sur une tarentelle obsédante, des centaines de personnes dansent sept à huit heures d'affilée jusqu'à tomber dans des états similaires à la transe. S'y jouent la mort et la renaissance du Pulcinella symbolisant la fertilité.
Le vaudou et la macumba de la culture afro-américaine (haïtienne et brésilienne) ont une fonction sociale comparable au tarentisme et à sa dramatisation des pulsions et conflits inconscients risquant de submerger dangereusement la conscience.
"Modelés culturellement, ces dispositifs de sécurité soustraient les crises individuelles à leur isolement, les insèrent dans un code de communication interpersonnelle où elles sont dilatées, exaspérées et contrôlées, et permettent la réintégration de l'individu dans le groupe. Patrimoine de l'histoire de la culture de l'homme, la musicothérapie est une discipline pouvant fournir, par l'entremise d'une technique de communication non verbale, d'un dialogue sonore, un instrument universel pour la prévention, pour la réhabilitation ou pour le traitement dans le secteur psychiatrique
" déclarait Gianluigi Di Franco, sympathique et brillant directeur de l'ISFOM (Istituto Formazione Musicoterapia), membre pour l'Italie de l'European Music Therapy et du Conseil de la World Federation Of Music Therapy. "La plus artistique des médecines; la plus magique des thérapies. Technique de support, espace créatif dans le monde de l'aliénation: l'un de ses fondements est la récupération de l'Homme dans sa totalité et le musicothérapeute peut être défini comme un "pionnier de la culture", ni musicien, ni médecin, ni psychologue mais synthèse des trois
".
ISFOM - Corso Vittorio Emanuele, 87 - 80121 NAPOLI - Tél: 081/5789330 - 3468014920 - info@isfom.it - www.isfom.it
Lectures conseillées :
|
Site mis à jour le 23 août 2023
|
21 novembre 2024
|